«Tout mon cœur pour le club»
Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce retour en France, à 33 ans, treize ans après votre dernier passage à Tours ?
En réalité, cela fait deux ans que je regarde un peu quelles pourraient être les options pour rentrer en France. Ça fait treize ans que je suis parti à l’étranger, avec ma femme, mes trois enfants qui me suivent tout le temps, ce n’est pas forcément facile pour eux aussi. J’ai vécu Tokyo, où il a fallu tout de suite repartir au charbon après le titre olympique. Cette fois, après ces Jeux-là, j’avais un peu rêvé en me disant que s’il y avait médaille, j’aimerais bien être en France, plus encore à Poitiers, à la maison. Après la claque d’émotion qu’on a prise aux Jeux, à 33 ans, je voulais repartir dans un truc où j’allais me plaire, où j’allais être heureux et bien. Toutes les planètes se sont alignées.
Il y avait déjà eu un faisceau d’indices forts en ce sens plus tôt dans l’année, avec notamment un fort intérêt du NRMV ?
J’avais effectivement eu un gros contact avec Nantes en février. Dans nos têtes, avec ma femme, on avait déjà prévu que l’on serait en France. J’ai attendu de février à juin, en refusant des offres. J’avais donné ma parole, je l’ai tenue. Et quand Nantes a annoncé, fin mai, qu’il ne repartirait pas, je n’ai même pas trop cherché à signer dans un club. Je me suis concentré à fond sur les Jeux, en me disant, on verra après. Et puis, il y a ces opportunités avec ces championnats un peu «exotiques», le Qatar, l’Indonésie. Des championnats qui démarrent en janvier. Donc, je me suis rapproché de Cédric Enard (manager général de l’Alterna Stade Poitevin), qui est lui aussi un enfant de Poitiers. J’ai eu beaucoup de discussions avec lui ces quatre, cinq dernières années sur le club. On a la même vision, le même amour pour ce club. Donc je lui ai écrit, en lui disant : «Ecoute Cédric, je n’ai signé nulle part et j’ai envie de rester à Poitiers. Ce qui est sûr c’est que je suis là jusqu’en décembre, c’est toute la phase aller. Est-ce que c e ne serait pas le moment ?». Ça a été mon message.
Pour être tout à fait transparent, rien ne garantit à ce jour que vous ferez la saison entière à Poitiers. Si un bon contrat tombe, vous pourriez repartir ?
Oui bien sûr, ce serait peut-être ça. Après, je me connais aussi. Ce qui est super important pour moi dans le volley, ce sont les relations humaines, les liens que tu crées avec le public, le club. Et là c’est Poitiers, c’est fois 10 ! Je me connais, je sais que ça va être très, très compliqué de dire «les gars, je me casse !» Donc je vis un peu au jour le jour, semaine après semaine. Je prends encore mes marques avec l’équipe et on verra. Cette année, je suis un peu comme ça, on verra. En tout cas, jusqu’en décembre, je vais donner tout mon cœur, toutes mes tripes, tout ce que j’ai pour le club, ça c’est sûr. Et après, on verra.
C’est Poitiers, vos racines, votre famille, vos premières années d’enfant volleyeur, mais c’est pourtant un club où vous n’avez jamais joué encore ?
A Poitiers effectivement, je n’ai joué qu’à Saint-Benoît en jeunes. Mon papa a eu une très belle histoire avec Poitiers (Éric Ngapeth est l’entraîneur de l’équipe championne de France 1999), mais qui s’est mal finie. Je pense que cela a beaucoup joué dans le fait que je ne porte pas le maillot du Stade Poitevin. Aujourd’hui, mon papa est revenu dans la salle, je suis revenu dans la salle, ma maman travaille avec des sponsors, des partenaires du club, Swan, mon petit frère, a joué très longtemps à Poitiers. On est restés très attachés au club. J’ai toute mon enfance ici, ma vie ici, ma maman, mes amis. Dès qu’il n’y a pas équipe de France ou club à l’étranger, je suis à Poitiers.
Quel souvenir, quelle émotion d’enfant gardez-vous du Poitiers champion de France 1999, entraîné par votre père, Éric ?
Le vrai souvenir que j’ai, c’est que c’est la première fois de ma vie où je vois mon papa pleurer. J’ai 8 ans, il y a une salle surbondée, un truc incroyable qui se passe dans la ville pendant une semaine. Le jour du match, il y a la queue sur toute la rocade jusqu’à Lawson-Body ! Dans la salle, on ne s’entendait pas. Je n’ai même pas vu le match, j’étais excité comme une puce, je n’ai fait que courir ! Je courais autour des gradins. A la balle de match, je regarde mon père et il pleure. C’était la première fois de ma vie que je le voyais pleurer. Ça a été ma plus grande émotion de gamin et ma première réelle émotion de volley.
Earvin Ngapeth à Poitiers, c’est Tony Parker qui vient faire une pige à l’ASVEL au moment du lock-out NBA (2011), c’est comme si Zinédine Zidane était venu clore sa carrière à Marseille, sa ville de naissance, après le Real Madrid ! Avez-vous conscience de ce que votre retour peut générer de positif pour le volley en France, la lnv et la MSL ?
J’ai beaucoup réfléchi et cela aussi a joué dans ma décision. Le volley a passé un autre step cet été. Mais malheureusement, il n’y a que Nico Le Goff qui est en France. J’espère que cela peut être un coup de boost pour le volley français, j’espère que ça va remplir les salles. Les télés commencent déjà à jouer le jeu. Ça peut être top pour le mouvement du volley, pour le club de Poitiers. C’est top pour la ville de Poitiers aussi. Je suis un enfant de Poitiers et je le crie sur tous les toits. Je suis un Poitevin ! Mais mine de rien, j’étais toujours à l’étranger et je n’ai pas fait grand-chose pour cette ville parce que nos calendriers ne nous le permettent pas. Aujourd’hui, c’est aussi rendre un peu à cette ville-là ce qu’elle m’a donné.
A l’avant-veille de votre premier match MSL face à Narbonne, comment vous sentez-vous physiquement et comment trouvez-vous votre place dans cette équipe ?
J’ai commencé les entraînements le 19 septembre avec Poitiers, le jour de l’annonce de mon arrivée. Avant j’avais fait trois semaines et demi de rien, de vacances ! Puis je suis parti faire une pige pour la Coupe d’Asie pendant dix jours avec Jean (Patry) au club de Djakarta. Je suis arrivé le 19, j’avais quand même repris depuis 10, 15 jours donc ça allait. Mais j’ai encore du boulot. Trois semaines et demi de Guadeloupe, ça ne s’efface pas comme ça (sourire). Mais les premières sensations avec le groupe ont été super bonnes, les mecs ont été super cools. Le match amical contre Tours s’est bien passé. Il y a eu une victoire et salle pleine pour un match amical ! Franchement, les premières sensations sont super bonnes et je sens qu’il se passe un truc autour du club. Ça c’est vraiment top.
Comment allez-vous entrer samedi dans ce championnat de France que vous avez quitté il y a treize ans ?
Je vais y entrer comme je rentre dans tous les championnats. En essayant de donner le maximum. Le but aussi est de remettre Poitiers dans les hautes sphères du classement. Il y a un gros objectif. Et puis, mine de rien, c’est un petit challenge car je sais qu’on va m’attendre. Et c’est ce que j’aime aussi. Ça va me motiver ! Mais le but principal est de remettre Poitiers dans les hautes sphères du classement et j’espère que l’année prochaine déjà, Poitiers sera européen.
Après celui de Nicolas Le Goff à Montpellier, votre retour en France peut-il donner des idées à d’autres de vos compères internationaux ?
On parle souvent de cette envie de vouloir rentrer en France. Après, il y a eu une réalité financière qui est là, qui ne le permet pas à tout le monde, on ne va pas se mentir. Moi je prends des gros contrats depuis que je suis parti, j’ai 33 ans, je suis l’un des plus anciens, c’est aussi plus simple pour moi de me dire que cette année, je prends moins d’argent, je vais rentrer et faire profiter de cette vague aux JO, de mon image, au club de Poitiers et au championnat de France. Mais on en parle énormément. Tout le monde a envie de rentrer en France, de jouer dans sa ville, de représenter son club, de jouer dans ce championnat.