
Enora, le doux vertige

Il y a des petits bouts de vie que l’on garde serrer contre soi, comme des amulettes. Les huit premiers mois de l’année 2025 brillent aujourd’hui du souvenir le plus précieux pour Enora Danard Selosse. Et tant pis si cela lui a gommé du temps de terre natale, sa Bretagne qu’elle aime tant retrouver et où elle s’est ressourcée trois petits jours seulement avant d’entamer, en Alsace, une nouvelle aventure.
Pour sa deuxième saison au VMA, Enora a fait les choses en grand. En très grand même. Tout est allé vite. Comme un doux vertige dans lequel elle s’est laissé emporter avec délice. Intronisée dépositaire du jeu alsacien au mois de janvier, à la blessure de la passeuse colombienne, Alejandra Marin, récipiendaire d’un premier galon bleu à la mi-mai puis propulsée passeuse titulaire de l’équipe de France en phase de poules d’un Mondial mémorable, qui porta les filles de Cesar Hernandez en quarts de finale, au plus près des hauts cieux, Enora a vécu le bonheur et les honneurs en accéléré.
La confirmation, à 22 ans, d’un talent brut, dans lequel il faut encore polir les angles techniques évidemment. Mais l’affirmation aussi d’une volonté de monter très haut. «C’est plutôt chouette. A chaque fois, c’est une opportunité qui arrive. Si à ce moment-là, que ce soit avec Mulhouse ou en équipe de France, je me pose trop de question, ça n’aurait pas fonctionné. C’est peut-être mon moment», résume avec calme et sans emballement la jeune Bretonne. «Je suis contente et heureuse d’avoir confirmé le choix osé des coaches de me faire jouer. J’ai montré que j’étais capable de faire des choses sympas. Personne ne me connaissait avant cet été en équipe de France», sourit-elle.
Personne du grand public, sans doute. Mais dans la petite sphère des avisés du volley, Enora avait déjà semé de belles promesses, portant notamment le VMA au sacre en Coupe de France, avec le titre de MVP en couronne. Son jeu, tout en impulsion, en liaison, avait alors redonné de l’élan à la troupe mulhousienne. «Je ne suis pas une passeuse hyper technique, hyper précise, mais j’aime bien créer des connections avec tout le monde, faire ressentir aux filles que je leur fais confiance sur un terrain. Quand je leur donne le ballon, c’est que je crois en elles», avoue la jeune cheffe d’orchestre, avec une confondante honnêteté.
Cesar Hernandez a apprécié, forcément, la personnalité sans fard. «Je n’avais pas d’attente particulière, pas de plan précis sur cet été», raconte encore Enora. «J’aime me donner à fond pour ne rien regretter dans le futur. Cesar a bien aimé la façon de travailler, ça a bien pris. Bien sûr, il y a eu quelques erreurs. Mais on est une équipe jeune, on est en train de se construire, c’est maintenant qu’on doit faire des erreurs.» Lancé au cœur du tambour lors de la VNL, Enora va même être la première guide du jeu des Bleues sur la phase de poules du Mondial thaïlandais, titulaire devant Nina Stojilkovic ! «Le terme de titulaire n’est pas important, ce qui compte, c’est à quel moment tu vas apporter quelque chose à l’équipe. Quand Nina fait une super rentrée contre la Grèce et qu’elle débute ensuite le 1/8 et le quart de finale, c’est tout à fait logique. J’étais super contente. On peut compter sur tout le monde», relate la jeune passeuse.
Avec ce quart de finale, l’équipe de France a désormais clairement changé de statut à l’international. S’il va falloir se nourrir des belles choses en Asie, les Bleues vont aussi devoir assumer leur nouveau rôle dans le concert mondial. «L’équipe a pris un vrai niveau. Avec tout ce qu’il s’est passé, on est conscientes du pas qu’on a fait. Ce n’est que le début. Moi je n’ai pas du tout envie de m’arrêter là, pas envie qu’on dise dans un an que ce n’était qu’un exploit !», clame Enora.
Et cela vaut tout autant avec le VMA, à l’aube d’une saison dans laquelle elle s’engage avec une confiance décuplée, de fortes convictions, mais sans garanties signées. André Sa est désormais aux commandes du vaisseau alsacien et le technicien a ramené avec lui l’excellente distributrice cubaine du VNVB, Gretell Moreno. Pour Enora, là non plus, rien n’est donc encore acquis. «Les statuts sont remis à zéro. On peut toutes les deux avoir une place importante dans l’équipe. Des opportunités vont se créer, il faudra les saisir. Moi, je ne suis maître de rien. A moi de ne pas trop me poser de questions. Je n’ai pas les réponses, je vais travailler», résume-t-elle, sans détour. Le vertige de l’été est passé. Mais Enora est lancée.